Les chirurgiens de la main peuvent désormais impliquer le patient dans l’évaluation de la chirurgie du syndrome du canal carpien. Concrètement, chaque patient mesure sa récupération fonctionnelle ainsi que la qualité de sa relation avec son chirurgien. Ces deux scores fonctionnels et relationnels sont liés : ils permettent aux équipes chirurgicales de se comparer pour s’améliorer en continu au sein d’une communauté de pratique. Cette initiative pionnière a été lancée en 2021 par PromTime, société à mission, dans le cadre d’un projet avec le groupement de coopération sanitaire Réseau Prévention Main Île-deFrance, avec un pilotage scientifique assuré par l’association Consortium du Résultat Patient. L’Assurance Maladie s’engage aujourd’hui pour déployer le projet au niveau national, avec l’objectif de mobiliser 200 chirurgiens de la main – soit 40% de la profession – d’ici la fin 2026.
Chaque année en France, près de 130 000 patients sont opérés pour un syndrome du canal carpien (SCC) selon Santé Publique France. 1 Il s’agit de la deuxième pathologie reconnue en maladie professionnelle. En 2021, une étude de l’Assurance Maladie a montré qu’un peu plus de 4 000 000 de journées post opératoires d’arrêts de travail ont été indemnisées suite à un syndrome du canal carpien, dont 45% dépassaient les durées repères préconisées par les sociétés savantes avec un potentiel d’économies important.
L’ objectif de ce projet, dénommé « registre national canal carpien », est d’améliorer la récupération fonctionnelle du patient tout en réduisant la durée d’arrêt de travail. « Le délai de retour à l’emploi du patient n’est pas seulement lié à la qualité de l’intervention chirurgicale, mais aussi à la relation entre le patient et son chirurgien, déclare le Dr Thierry Dubert, Président du Conseil scientifique du registre national canal carpien, membre de l’Académie nationale de chirurgie. Notre équipe a démontré une forte association entre la qualité de la relation patient chirurgien et la vitesse de reprise du travail. Combiner le résultat fonctionnel du patient à la qualité relationnelle avec son chirurgien : tel est l’enjeu de cette initiative nationale sur l’amélioration de la pertinence des soins. »
Concrètement, le patient est invité à répondre par SMS ou email à deux questionnaires :
Ces scores PROM et PREM sont renseignés par le patient lui-même, sans l’intervention du chirurgien ou des membres de son équipe. Ces résultats sont croisés avec les données renseignées par le clinicien (ClinicianReported Outcome Measures, CROMs), telles que les comorbidités, facteurs de risque, et des indicateurs cliniques. Le recueil des données est digitalisé, impliquant notamment une interopérabilité avec le logiciel métier du chirurgien pour lui éviter une double saisie chronophage, source de biais et d’erreurs. Patient et chirurgien peuvent accéder aux résultats. Des analyses comparatives permettent aux équipes chirurgicales qui le souhaitent de se comparer pour s’améliorer en continu, en tenant compte des profils des patients traités.
« Nous outillons les chirurgiens pour leur permettre de se comparer entre eux à partir d’indicateurs standardisés, scientifiquement validés, ajustés au profil de chaque patient, permettant des analyses comparatives statistiquement fiables », déclare le Pr. Gregory Katz, président de PromTime, professeur titulaire de la chaire Value in Health à la Faculté de médecine de l’Université Paris Cité, membre de l’Académie nationale de chirurgie. Cette exigence scientifique implique de relever plusieurs défis opérationnels : numériques, analytiques, mais aussi déontologiques pour garantir la collégialité et l’impartialité des audits ».
La gouvernance scientifique du projet est portée par le Consortium du Résultat Patient, association sans but lucratif. « Le Conseil scientifique du registre national canal carpien réunit une dizaine d’experts des secteurs publics et privés, issus de sociétés savantes et d’associations de patients agréées par le ministère de la santé » déclare le Dr Jean-Pierre Thierry, Président du Consortium du Résultat Patient, Conseiller médical de France Assos Santé. «Chaque expert met à jour sa déclaration publique d’intérêt pour renforcer la transparence et l’impartialité du projet. Le Conseil scientifique garantit aux chirurgiens de la main une indépendance dans les choix méthodologiques et les orientations du projet, y compris dans les modalités de diffusion des résultats ».
L’ équipe de data science PromTime – société à mission spécialisée sur les PROMs – a été sélectionnée par le groupement de coopération sanitaire Réseau Prévention Main Ile-de-France pour assurer le déploiement national du projet.
L’ Assurance Maladie soutient financièrement le projet qui vise l’amélioration des pratiques par le dialogue entre pairs dans le cadre d’une gouvernance garantissant impartialité, collégialité, qualité scientifique, et réduction des dépenses de santé par la diminution des durées d’arrêt de travail. Les résultats individuels ou par équipe ne seront pas accessibles pour l’Assurance Maladie. Elle pourra en revanche disposer du nombre de chirurgiens et de patients participants, la consolidation des résultats mesurés par les professionnels et par les patients, ainsi que de l’impact en termes de réduction des durées d’arrêts de travail.
Les données PROMs, PREMs et CROMs sont analysées en temps réel et ajustées selon le profil de chaque patient. Les résultats relationnels et fonctionnels sont partagés avec le patient. Les moyennes des chirurgiens volontaires peuvent être partagées au sein d’une communauté de pratique. A travers le Conseil scientifique où ils sont représentés, les chirurgiens de la main décident souverainement des modalités de diffusion interne et externe des résultats.
« La démarche de comparaison des résultats entre confrères fédère notre équipe autour d’un projet médical commun centré sur le patient, la qualité des soins et l’amélioration continue », déclare le Dr Philippe Bellemère, chirurgien orthopédiste des membres supérieurs à l’Institut de la main Santé Atlantique à Nantes, ancien President de la Société Française de Chirurgie de la Main. « L’évaluation continue est vectrice de fierté et d’humilité, au plan collectif et individuel. Mon équipe et moi sommes fiers de participer à cette démarche d’excellence depuis la première heure. »
Cette mobilisation comporte l’organisation d’ateliers inter et intra équipes. « En pratique, le score relationnel patient chirurgien n’est jamais mesuré alors qu’il est fortement lié au délai de récupération du patient, » déclare le Pr. Laurent Obert, chirurgien chef de service au CHU de Besançon, premier Vice-Président de la Société Française de la Chirurgie de la Main, membre de l’Académie nationale de chirurgie. Tous les chirurgiens peuvent librement et gratuitement rejoindre cette communauté de pratique qui partage les résultats entre confrères, favorise une dynamique d’excellence et de nivellement par le haut ».
« L’ amélioration du score relationnel patient-chirurgien renforce l’écoute et l’alignement des attentes, ce qui devrait aussi contribuer à réduire le nombre de litiges et le taux de sinistralité des chirurgiens impliqués », souligne le Dr Yves Jacob, Président de la commission juridique de la Société Française de Chirurgie de la Main, membre de l’Académie nationale de chirurgie.
« Le registre national canal carpien est une source de valeur pour les patients, comme pour les professionnels, déclare Marguerite Cazeneuve, Directrice déléguée de l’Assurance Maladie. Cette initiative illustre concrètement la mission lancée par le Ministère de la santé et de la prévention, consistant à intégrer les indicateurs de type PREMs et PROMs comme une cible d’évolution d’un financement à la qualité. »
« Le suivi des indicateurs PROMs et PREMS sont des facteurs de progrès pour les patients ainsi que pour la santé publique dans son ensemble, indique le Dr Catherine Grenier, Directrice des Assurés à l’Assurance Maladie. Le registre national canal carpien instaure un cercle vertueux d’amélioration des résultats perçus par le patient, l’amélioration continue des pratiques professionnelles, tout en réduisant les dépenses évitables. »
« L’implication directe des patients à travers les questionnaires PROMs et PREMs représente un enjeu essentiel pour évaluer les résultats des soins, déclare Gérard Raymond, Président de France Assos Santé. En tant qu’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, nous sommes fiers de participer à la gouvernance scientifique et déontologique de ce projet d’envergure nationale. »
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